samedi 30 août 2014

Première Cousinade de la famille de Romain Supervielle


Merci à Françoise Hourcade et sa famille pour cette belle initiative...

Extrait de la République des Pyrénées :
À Oloron, on connaît évidemment l'histoire du poète Jules Supervielle (1884, Montevideo, 1960, Oloron Sainte-Marie). Samedi, à l'occasion de la première cousinade des descendants Supervielle, on a aussi pu découvrir une véritable saga familiale. Un événement organisé à quelques années du centenaire de la naissance du grand-père du Poète, Romain Supervielle, horloger à Oloron.

Romain Supervielle naquit à Oloron en 1817. De son union avec Anne Etchehon, originaire du Pays Basque, naîtront six enfants, dont quatre auront une descendance. Celle-là même qui est parvenue à se réunir ce samedi dans la capitale du Haut-Béarn. L'aîné, Bernard Xavier Supervielle, né en 1848, part à 17 ans faire fortune en Amérique du Sud. Sa destination est le Brésil, mais l'épidémie de choléra qui sévit dans le pays le pousse à débarquer finalement à Montévidéo, en Uruguay, l'autre berceau des Supervielle.
Auguste, né un an plus tard, partira à la recherche de son frère, dont la famille en Béarn est sans nouvelle depuis son départ. Cruelle ironie de l'histoire, c'est lui qui succombera au choléra. Un autre frère n'aura pas descendance, et pour cause : Achille deviendra prêtre. Avec Bernard Xavier, trois autres enfants du couple Supervielle-Etchehon auront une descendance. Ferdinand, horloger bijoutier, Victor-Jules (le père du poète, qui ralliera l'Uruguay avec son épouse basque pour rejoindre son frère) et Aglaé.

L'idée de rassembler les descendants de ces quatre branches de la famille est née d'une discussion entre cousins qui a fait boule de neige. "Je me suis mise à chercher les descendants de notre branche, celle de Ferdinand, témoigne Françoise Labrador-Hourcade. Lorsque j'y suis parvenue, il était assez logique de continuer avec les autres branches. Vous n'imaginez pas le nombre d'échanges qu'il a fallu avec L'Amérique latine pour aboutir !"
Première "cousinade"
Le résultat a été affiché samedi dans les salons de l'Alysson. Un arbre généalogique de six mètres de long où figurent les 420 descendants directs de Romain Supervielle. Une quarantaine d'entre eux, dont la branche uruguayenne, a participé à ces premières agapes familiales. La présidente des Amis de Jules Supervielle, Hélène Clairefond, et Sabine Dewulf, spécialiste de l'oeuvre du "prince des poètes" étaient également conviées. La prochaine "cousinade" pourrait se dérouler en Amérique latine.

mercredi 22 janvier 2014

Jules Supervielle ou l’enfance de l’univers

Poète inclassable né à Montevidéo en 1884, Jules Supervielle a usé dans son œuvre poétique d’intonations discrètes et chuchotantes qui conviennent particulièrement au mystère inhérent à l’homme qu’il se plût à sonder. Ses parents, d’origine française, s’étaient éloignés du pays natal pour fonder la banque Supervielle de l’autre côté de l’Atlantique. Il les perdra très tôt. Lors d’un voyage, ils seront empoisonnés par une eau saumâtre et décéderont dès leur arrivée en France pour leurs habituelles vacances d’été. Le petit Jules n’a pas un an et sera recueilli par sa grand-mère d’abord, un oncle et une tante ensuite qui lui assureront une enfance heureuse et stable. Jules commença à composer ses premiers poèmes dès ses 15 ans et fera ses études au lycée Janson-de-Sailly, retournant assez régulièrement en Amérique du Sud, puis, son baccalauréat en poche, poursuivra des études de lettres et de droit en Sorbonne et commencera une thèse sur « le sentiment de la nature dans la poésie hyspano-américaine ».
Claude Roy écrira à son propos : « Il lui fallait être orphelin très tôt et donc en quelque sorte délaissé ; il lui fallait l’émigration et le goût des espaces, la mer et la pampa ; il lui fallait un cœur fragile, malade, douloureusement et doucereusement intermittent ; il lui fallait le mystère éclatant et vivace de l’enfance près de soi et de la paternité nombreuse ; il lui fallait la vie de Jules Supervielle pour devenir Supervielle… »
Et, en effet, il fut un adulte souffreteux, un tant soit peu hypocondriaque, un mari attentionné auprès de son épouse uruguayenne, Pilar, avec laquelle il aura 6 enfants. N’ayant pas de souci d’argent grâce à la banco Supervielle, il mènera son existence à son gré entre la France et l’Amérique, collaborant aux revues françaises grâce aux amitiés qu’il saura tisser avec Gide et Valéry, Jacques Rivière, Paulhan, Arland, Etiemble et Michaux.
En 1900, il avait publié à compte d’auteur une première plaquette de vers dont le titre était « Brumes du passé » qui nous le montre en proie à un apprentissage difficile. Mais il trouvera vite sa voie et sa voix de poète, peut-être celle qui est parmi les plus chers aux lecteurs français, simplement parce qu’elle répond parfaitement à l’idée naturelle que nous avons de la poésie et parce qu’elle nous propose un monde traversé par l’idée de la mort mais infiniment vivant et luxuriant.
Où courent ces lièvres, ces belettes,
Il n’est pas de chasseur encore dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L’écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
Sa santé chancelante lui fait connaître bientôt le prix de la vie et sa précarité et on peut dire que son œuvre est celle d’un vivant habité par la mort. S’il interroge les ténèbres, c’est probablement pour rendre plus proches encore les compagnons de sa vie :
Mémoire des poissons dans vos criques profondes,
Que puis-je faire ici de vos lents souvenirs,
Je ne sais rien de vous qu’un peu d’écume et d’ombre
Et qu’un jour, comme moi, il vous faudra mourir.
Dans ses yeux de poète, le monde restera toujours une merveille à découvrir, un jardin fabuleux ou un univers géographique avec sa faune et ses minéraux, ses végétations terrestres et marines, ses innombrables floraisons, ses fraîcheurs et ses houles qu’il immortalisera en des vers classiques ou semi-classiques, sous forme de messages secrets, confidentiels qui prennent le plus souvent une tournure où oscillent l’hésitation et le recueillement.
C’est avec le recueil « Gravitations » en 1925 que le grand Supervielle naît définitivement. Selon son ami Marcel Arland, il a choisi une voie plus étroite encore et plus rigoureuse, un mètre plus court et plus régulier où le moindre accord a sa valeur, le moindre mot sa précision. Messager des échanges entre réalité et spiritualité, entre matérialité et imaginaire, il unifie ainsi un monde multiple dans un souci constant d’abolir la distance et le temps et d’unifier les aspects fragmentaires de l’univers.
O nuit frappée de cécité,
O toi qui vas cherchant même à travers le jour,
Les hommes de tes vieilles mains trouées de miracles,
Voici les germes espacés, le pollen vaporeux des mondes,
Voici les germes au long cours qui ont mesuré tout le ciel
Et se posent sur l’herbe
Sans plus de bruit
Que le caprice dune Ombre qui lui traverse l’esprit.
Si les choses lui parlent, lui-même parle aux choses. Il s'attarde à les nommer, à les inviter à ce festival des mots où il les fait éclore dans leur plénitude et leur universalité. C’est sans doute ce qu’il y a de plus fragile en elles qui le retient et l’inspire. " Vous avez changé notre peur en enchantement, notre existence en surprise perpétuelle, notre mort en énigme parfumée " – lui écrira Alain Bosquet. On dira également que sa poésie a quelque chose de mozartien parce que comme le musicien il allie l’harmonie universelle en perçant le secret des correspondances et crée un paradis perdu proche de notre perception sensible.
Je suis dans la noirceur et j’entends ma puissance
Faire un bruit sourd, battant l’espace rapproché  ;
Alentour un épais va-et-vient de distances
Me flaire, me redoute et demeure caché…
Ainsi abolit-il les distances entre le monde extérieur et l’intérieur, fait-il sourdre le merveilleux à hauteur d’homme et tente-t-il de rassembler et d’unifier ce qui est disparité et désharmonie.
C’est beau d’avoir élu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin…
Cette familiarité pleine de tendresse avec les objets qui l’entourent, lui confère une simplicité de ton, une limpidité du phrasé qui expliquent la particulière attention que lui ont toujours accordé ses lecteurs. Rien d’hermétique chez Supervielle. Il s’exprime de façon claire et lumineuse et les ombres ne sont là que pour nous aider à mieux vivre et mourir. Charmeur d’oiseaux, de sources et de brises, il appartient à ces rares poètes qui ont su prendre place dans « l’enfance de l’univers  » et rendre témoignage des miracles permanents de la vie.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
source : Agoravox

jeudi 5 janvier 2012

Une adaptation de l'Enfant de la Haute Mer

L'Enfant de la haute mer est un recueil de huit nouvelles de Jules Supervielle. Il est paru en 1931 aux éditions de la Librairie Gallimard (aujourd'hui les éditions Gallimard). Il reprend cinq contes parus en revue (entre 1924 et 1930) et en ajoute trois inédits. Tous évoquent des personnages en marge avec des éléments de fantastique.

Jules Supervielle, poète de la connaissance de soi, est aussi celui de la compassion pour tous les êtres qui souffrent, comme cette petite fille définitivement solitaire, perdue dans un village voué à l'océan....

lundi 13 juin 2011

L'âme de Jules Supervielle... qui brûle en silence



L ' â m e 





Puisqu'elle tient parfois dans le bruit de la mer
Ou passe librement par le trou d'une aiguille
Aussi bien qu'elle couvre une haute montagne
Avec son tissu clair,


Puisqu'elle chante ainsi que le garçon, la fille,
Et qu'elle brille au loin aussi bien que tout près,
Tantôt bougie ou bien étoile qui grésille
Toujours sans faire exprès,


Puisqu'elle va de vous à moi, sans être vue,
Et fait en l'air son nid comme sur une plante,
Cherchons-la, sans bouger, dans cette nuit tremblante
Puisque le moindre bruit, tant qu'il dure, la tue.


(Les amis inconnus)



dimanche 5 juin 2011

Le Jeu des miroirs et Jules Supervielle

Le jeu des miroirs
Découvrez votre vrai visage avec
Douglas Harding et Jules Supervielle
par Sabine Dewulf
Illustrations de Josette Delecroix


Au-delà de nos caractéristiques physiques, prenons-nous suffisamment en compte les richesses qui constituent l’ensemble de notre être ? Quelle image avons-nous de nous-même, sinon celle d’un moi permanent et distinct du reste du monde ? Une image presque figée et reconnaissable dans un miroir, que nous enfermons trop facilement dans les frontières de notre corps…


Le Jeu des Miroirs vous propose une approche différente : la vraie découverte de votre visage infiniment plus riche et vivant que vous ne le pensez, grâce à des exercices inventés par Douglas Harding, un sage contemporain.


Ce coffret, comprenant un livre et 52 cartes, vous entraîne à déployer votre être vers un accomplissement universel. Il vous offre le moyen de vous connaître davantage et d’établir une relation moins crispée, plus juste, bienveillante et harmonieuse avec vous-même. Vous prendrez peu à peu conscience de votre je profond en explorant toutes vos possibilités d’être vous-même.


Chaque carte présente un symbole ou un bref poème, tous tirés de l’œuvre de Jules Supervielle. Ce symbole ne parle que de vous et de vos propres possibilités d’évolution : de l’être instinctif et égocentré du début (le Chasseur) à celui qui se rend réceptif à l’univers entier (la Mystique)…


À travers le Survivant, la Guérisseuse, la Méditante, l’Animal, la Paysanne, libérez-vous peu à peu de l’identification à des modèles et devenez ouvert et accueillant pour les autres et pour vous-même !

Jules Supervielle Aujourd'hui


Jules Supervielle aujourd’hui,est le résultat des actes du colloque d’Oloron-sainte-Marie qui a eu lieu le 1er et 2 février 2008. Les textes ont été réunis et présentés par Sabine Dewulf et Jacques Le Gall, aux Presses Universitaires de Pau, en 2009. "Leçons de vie d'une oeuvre"


De quelle utilité serait une poésie qui ne nous aiderait pas à vivre ? À vivre vraiment, au coeur du quotidien, en relation avec le monde qui nous entoure et nous habite ? Trop nombreux sont encore ceux qui pensent que la poésie est l'affaire de rêveurs ou de purs explorateurs du langage, de ces « professeurs de billards » dont se gaussa Isidore Ducasse, dit Lautréamont, natif de Montevideo comme Supervielle.

Face à ces croyances tenaces, l'oeuvre de Supervielle s'impose comme un témoignage unique de la vie concrète - physique et psychique - d'un homme qui cherchait avant tout, en dehors des dogmes et des sentiers battus, à se mettre en relation avec lui-même, avec autrui et avec l'univers. Un univers perçu dans sa totalité cosmique, au lieu du monde divisé où nous vivons tant bien que mal, coupés de nous-mêmes comme de ce qui nous entoure et dont nous sommes pourtant tributaires.

samedi 1 janvier 2011

Famille de ce monde...

Poème pour une fin d'année... et le début d'une autre.




Et des milliers de bourgeons viennent voir ce qui se passe au monde


Car la curiosité de la Terre est infinie.


Et l'enfant naît et sa petite tête mal fermée encore


Se met à penser dans le plus grand secret parmi les grandes personnes tout occupées de lui.


Et il est tout nu sous la pression exigeante de la lumière du jour


Tournant de côté et d'autre ses yeux presque aveugles au sortir de la nuit maternelle,


Emplissant la chambre, comme il peut, de ce vagissement venu d'un autre monde.


Et bien que parachevé, il s'ouvre encore à la fragilité dans ses délicates fontanelles


Tout en fermant très fort ses petits poings comme un homme barbu qui se met en colère.


Et sa mère est une géante bien intentionnée qui se dresse dans l'ombre et l'assume dans ses bras,


Encore stupéfaite d'entendre cette chair séparée qui a maintenant une voix,


Comme un pêcher qui entendrait crier sa pêche,


Ou l'olivier, son olive.


Mais dans l'ombre un sein qui blanchit dessine son cercle auroral


Et des lèvres toutes neuves, à peine finies, et qui ont grande hâte de servir


Tâtonnent à sa rencontre


Jusqu'à ce qu'on entende un petit bruit de la gorge compréhensive


Quand le lait se met à passer de la mère à l'enfant.


Et  la vie va son chemin qu'elle sait ininterrompu


Sous le tic-tac de la pendule


Car le Temps imbibe jour et nuit de son humidité invisible tout ce que nous faisons sur terre.


Mais il ne faudrait pas oublier que le père est dans la pièce


Et sentant à l'instant même sa parfaite inutilité


Il trouve que c'est le moment de regarder par la fenêtre


 Cependant que la grandeur du monde poursuit sa route béante dans une profonde anesthésie,


Et la Terre tourne sans effort comme en pensant à autre chose,


Et la Grande Ourse et Bételgeuse


Montrent leur face inhumaine à la portière du train terrestre


Qui n'a pas l'air de bouger bien qu'il avance toujours,


Et l'univers bien huilé fait moins de bruit


Que les pieds nus de l'enfant qui frottent l'un contre l'autre,


Car l'enfant est encore là, collé au globe maternel.


Montevideo, mars 1944.


1939-1945



Tout savoir sur Jules Supervielle

samedi 19 juin 2010

Marseille par Philippe Meyer

Philippe Meyer récite le poème "Marseille"




mercredi 21 avril 2010

Plein Ciel par Véronique Conti


Véronique Conti chante "Plein Ciel" de Jules Supervielle

dimanche 10 août 2008

Les chevaux du temps



Quand les chevaux du temps s'arrêtent à ma porte.
J'hésite un peu toujours à les regarder boire
Puisque c'est de mon sang qu'ils étanchent leur soif.
Ils tournent vers ma face un oeil reconnaissant
Pendant que leurs long traits m'emplissent de faiblesse
Et me laissent si las, si seul et décevant
Qu'une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu'il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu'un jour où viendrait l'attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer.


Jules SUPERVIELLE
(1884-1960)

mardi 5 août 2008

La recherche d'une harmonie... chez Jules Supervielle

L'univers de Supervielle est d’abord un monde de métamorphoses perpétuelles, où les contraires coexistent tout naturellement ; la vie, par exemple, n’y est présente que dans son intime relation à la mort. Les morts et les vivants se côtoient. La mémoire est indissociable de l’oubli. La matière n’a pas plus de consistance qu’un nuage qui s’effiloche. Est-elle différente de l'esprit ? De même, il paraît n'exister ni début ni fin de l'univers, des êtres et des choses car tout y est transformation, métempsycose continuelle. Y a-t-il une essence derrière les apparences ou existe-t-il seulement un univers sensible ? Dieu est-il transcendant ou immanent, créateur du monde ou simple témoin, existant ou non-existant ? Il semble que toutes ces notions contraires doivent être dépassées car elles sont en réalité interdépendantes. Supervielle laisse en tout cas ces ambiguïtés planer sur son univers tout entier. Et le vertige, très souvent, s’empare du poète.
Dans cet univers toujours mouvant et incertain, l’objet observé est également indissociable de l’observateur. Il n’y a pas de frontière nette entre le sujet pensant, regardant ou écoutant, et l’objet de son étude. La mer, dès qu’on la regarde, n’est plus la mer… Le moi du poète, quant à lui, est sous l’emprise de l’inconscient, lequel, chose curieuse, en sait davantage que sa conscience claire. Le sujet se fissure, hanté par un double insaisissable, et l’objet qu’il observe, parallèlement, se dérobe toujours à sa saisie : il est comme ce vide que perçoit le cheval dans le poème essentiel qui s’intitule « Mouvement » ; quelque chose a été vu et sera encore vu, mais quoi ? Le mystère est total. Le poème est construit autour d’un blanc que le poète se refuse à combler.

C’est pourquoi l’univers de Supervielle est aussi bien extérieur qu’intérieur : la mer profonde, par exemple, possède les mêmes caractéristiques que la mémoire oublieuse ; inversement, le corps humain est un véritable paysage. « Rêver, explique le poète dans En songeant à un art poétique (Naissances), c’est oublier la matérialité de son corps, confondre en quelque sorte le monde intérieur et extérieur. […] Je rêve toujours un peu ce que je vois […]. » Ce monde visité par le rêve au sens où l’entend le poète, c’est un univers mieux connu - approché et respecté dans son indépassable mystère - que par l’étude traditionnelle, laquelle découpe le monde en catégories réductrices.

Cet univers apparaît finalement éminemment fraternel : un lien intime se crée entre l’objet et l’homme, le poète et l'animal, l’arbre et la parole, le nuage et la terre, la chose et le mot, la matière et l’esprit… : une "pansympathie", une compassion universelle. Comme si le vertige initial - la perte de nos repères habituels - était la condition nécessaire à la reconstruction d’un véritable cosmos, d'un monde toujours en mouvement mais cohérent et à la recherche d'une harmonie...

dimanche 1 juin 2008

"La fable du monde"

Un parcours de lecture aux éditions Bertrand Lacoste vient de paraître concernant Jules Supervielle. C'est une étude du recueil de poèmes intitulé "La fable du monde", écrite par Sabine Dewulf...

Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.


Jules Supervielle (La Fable du monde)

jeudi 1 mai 2008

Dans la forêt sans heures

Extrait du 'Forçat innocent', un poème que Gérard Farasse, critique littéraire, jugeait parfait :

mercredi 30 janvier 2008

Colloque du 1 et 2 février 2008

COLLOQUE JULES SUPERVIELLE

De quelle utilité serait une poésie qui ne nous aiderait pas à vivre ? A vivre pleinement, au cœur du quotidien, en relation avec le monde qui nous entoure et qui nous habite ? Trop nombreux sont encore ceux qui pensent que la poésie est affaire de rêveurs ou d’idéalistes, voire de purs explorateurs du langage.
Face à ces croyances tenaces, l’œuvre de Supervielle s’impose comme un témoignage unique de la vie concrète – physique ou psychique- d’un homme qui chercha avant tout, en dehors des dogmes et des sentiers battus, à se mettre en relation avec lui-même, avec autrui et avec l’univers.
Dans cet esprit, les acteurs du colloque qui se tiendra les vendredi 1er et samedi 2 février 2008, salle du Conseil municipal, chercheront à éclairer ce qui peut nous être utile ou nécessaire dans cette œuvre exceptionnelle et pourtant méconnue : le sens du cosmos, le rapport du temps, le goût du lien, la posture singulière du poète et de l’artiste dans ce monde, l’exploration de l’univers intérieur et le questionnement sur l’identité individuelle.

Pour en savoir plus

jeudi 27 décembre 2007

Plein de songe... par Jules Supervielle


Plein de songe mon corps, plus d'un fanal s'allume
A mon bras, à mes pieds, au-dessus de ma tête.
Comme un lac qui reflète un mont jusqu'à sa pointe
Je sens la profondeur où baigne l'altitude
Et suis intimidé par les astres du ciel.

Jules Supervielle

vendredi 6 juillet 2007

Un article sur Jules Supervielle de Mathieu Hilfiger


La revue poétique Le Bateau Fantôme publie son nouveau numéro : « l'enfance ». Il comprend un excellent article de Mathieu Hilfiger : L’enfant de la haute mer de Jules Supervielle : ou les limbes de la mémoire en deuil.

lundi 25 juin 2007

Le Voyage Difficile (extrait du "Forçat Innocent")


A Christian Sénéchal

Sur la route une charrette,
Dans la charrette un enfant
Qui ne veut baisser la tête
Sous des cahots surprenants.

La violence de la route
Chasse l'attelage au loin
D'où la terre n'est que boule
Dans le grand ciel incertain.

Ne parlez pas : c'est ici
Qu'on égorge le soleil.
Douze bouchers sont en ligne,
Douze coutelas pareils.

Ici l'on saigne la lune
Pour lui donner sa pâleur,
L'on travaille sur l'enclume
Du tonnerre et de l'horreur.

« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers.
— Ne vois-tu pas, étranger,
Que j'ai un bon attelage.»

Garçons des autres planètes
N'oubliez pas cet enfant
Dont nous sommes sans nouvelles
Depuis déjà très longtemps.


Sous quelle fougère où dort un insecte
Votre âme cherchait sa couleur première ?

C'était par quelque temps d'éclipse,
Seul au monde un frisson, un sourire triste.

De temps à autre toute une biche
Entre le feuillage s'en venait voir,

Puis s'éloignait sous la surveillance d'un songe
Qui la couvrait d'herbes, de ronces,

Et toujours prête â revenir.


Le soleil parle bas
A la neige et l'engage
A mourir sans souffrir
Comme fait le nuage.

Quelle est cette autre voix
Qui me parle et m'engage ?
Même au fort de l'hiver
Serait-ce la chaleur
Qui fait tourner la Terre
Toujours d'un même coeur,

Et, pour me rassurer,
Dans toutes les saisons
Se penche à mon oreille
Et murmure mon nom ?


Dans la forêt sans heures
On abat un grand arbre.
Un vide vertical
Tremble en forme de fût
Près du tronc étendu.

Cherchez, cherchez, oiseaux,
La place de vos nids
Dans ce haut souvenir
Tant qu'il murmure encore.

jeudi 31 mai 2007

Autour de Jules Supervielle...

Axel Maugey, auteur d’un essai intitulé Les élites argentines et la France (Paris, éditions de l’Harmattan, 2004) présente Jules Supervielle. Je vous propose d'écouter l'émission :

Quand le cerveau gît dans sa grotte...

mardi 8 mai 2007

Jules Supervielle sur France Culture

Voici deux extraits de l'émission consacrée à Jules Supervielle
Voir la fiche sur France Culture
"Jules Supervielle et l'exil"




"La souffrance chez Supervielle"



samedi 5 mai 2007

Colloque du 1er et 2 février 2008




L'association "Les amis de Jules Supervielle" et la mairie d'Oloron Sainte Marie organise début février 2008 un colloque sur le thème : "Supervielle dans le monde d'aujourd'hui. A quelles manières d'être sa poésie nous invite-t-elle ?"
Vous y êtes invités et je me réjouis que le groupe d'amis autour du poète puisse s'agrandir et s'épanouir dans l'esprit de l'oeuvre de Supervielle...

Association "Les amis de Jules Supervielle"

Pour adhérer à l'association, il suffit d'envoyer 15 euros à Hélène Clairefond, notre nouvelle présidente, à l'adresse suivante (le siège a changé) :
Mme Hélène CLAIREFOND
Ecole Saint-Cricq
64400 OLORON-SAINTE-MARIE

Le texte du poème : "Oloron Sainte Marie"


Comme du temps de mes pères les Pyrénées écoutent aux portes
Et je me sens surveillé par leurs rugueuses cohortes.
Le gave coule, paupières basses, ne voulant pas de différence
Entre les hommes et les ombres,
Et il passe entre des pierres
Qui ne craignent pas les siècles
Mais s’appuient dessus pour rêver.

C’est la ville de mon père, j’ai affaire un peu partout.
Je rôde dans les rues et monte des étages n’importe où,
Ces étages font de moi comme un sentier de montagne,
J’entre sans frapper dans des chambres que traverse la campagne,
Les miroirs refont les bois, portent secours aux ruisseaux,
Je me découvre pris et repris par leurs eaux.
J’erre sur les toits d’ardoise, je vais en haut de la tour,
Et, pour rassembler les morts qu’une rumeur effarouche,
Je suis le battant humain,
Que ne révèle aucun bruit,
De la cloche de la nuit,
Dans le ciel pyrénéen.

O morts à la démarche dérobée,
Que nous confondons toujours avec l’immobilité,
Perdus dans votre sourire comme sous la pluie l’épitaphe,
Morts aux postures contraintes et gênés par trop d’espace,
O vous qui venez rôder autour de nos positions,
C’est nous qui sommes les boiteux tout prêts à tomber sur le front.

Vous êtes guéris du sang
De ce sang qui nous assoiffe.

Vous êtes guéris de voir
La mer, le ciel et les bois.

Vous en avez fini avec les lèvres, leurs raisons et leurs baisers,
Avec nos mains qui nous suivent partout sans nous apaiser,
Avec les cheveux qui poussent et les ongles qui se cassent,
Et, derrière le front dur, notre esprit qui se déplace.

Mais en nous rien n’est plus vrai
Que ce froid qui vous ressemble,
Nous ne sommes séparés
Que par le frisson d’un tremble.

Ne me tournez pas le dos. Devinez-vous
Un vivant de votre race près de vos anciens genoux ?

Amis, ne craignez pas tant
Qu’on vous tire par un pan de votre costume flottant !

N’avez-vous pas un peu envie,
Chers écoliers de la mort, qu’on vous décline la vie ?

Nous vous dirons de nouveau
Comment l’ombre et le soleil,
Dans un instant qui sommeille,
Font et défont un bouleau.

Et nous vous reconstruirons
Chaque ville avec les arches respirantes de ses ponts,
La campagne avec le vent,
Et le soleil au milieu de ses frères se levant.

Etes-vous sûrs, êtes-vous sûrs de n’avoir rien à ajouter,
Que c’est toujours de ce côté le même jour, le même été ?
Ah comment apaiser mes os dans leur misère,
Troupe blafarde, aveugle, au visage calcaire,
Qui réclame la mort de son chef aux yeux bleus
Tournés vers le dehors.

Je les entends qui m’emplissent de leur voix sourde.
Plantés dans ma chair, ces os,
Comme de secrets couteaux
Qui n’ont jamais vu le jour :

- N’échappe pas ainsi à notre entendement.
Ton silence nous ment.
Nous ne faisons qu’un avec toi,
Ne nous oublie pas.

Nous avons partie liée
Tels l’époux et l’épousée
Quand il souffle la bougie
Pour la longueur de la nuit.

- Petits os, grands os, cartilages,
Il est de plus cruelles cages.
Patientez, violents éclairs,
Dans l’orage clos de ma chair.

Thorax, sans arrière-pensée
Laisse entrer l’air de la croisée.
Comprendras-tu que le soleil
Va jusqu’à toi du fond du ciel ?

Ecoute-moi, sombre humérus,
Les ténèbres de chair sont douces.
Il ne faut pas songer encor
A la flûte lisse des morts.

Et toi, rosaire d’os, colonne vertébrale,
Que nulle main n’égrènera,
Retarde notre heure ennemie,
Prions pour le ruisseau de vie
Qui se presse vers nos prunelles.
Extrait du Forçat innocent

Oloron Sainte Marie